La plus grosse erreur des auteurs, toutes catégories confondues

Quel que soit votre artisanat : rédaction d’un roman, écriture d’un scénario, construction d’une histoire, de dialogue… cet article est celui qui bénéficiera le plus à 95% d’entre vous.

L’erreur dont il est question m’a valu une dizaine de refus des maisons d’édition, en plus de m’avoir fait perdre la bagatelle de trois ans de travail sur mon roman. Une estimation au bas mot, comprenant huit heures de travail par jour. Cette erreur, tous les débutants ou presque la font, tous les intermédiaires ou presque la font, et une partie des professionnels continuent et continueront de la faire. Elle est observable en quantité sur les forums consacrés à l’écriture et décelable à profusion dans les textes de jeunes auteurs, et moins jeune. Cette erreur est un fléau qui condamne chacun d’entre nous à ne pas progresser, à faire du surplace jusqu’à ce que la réalité nous rattrape. Cette putain d’erreur ? Faire preuve d’ego.

Ce n’est pas pour rien si l’orgueil est le premier des péchés capitaux. Nous ne pouvons pas nous rendre plus mauvais service que de laisser l’ego interférer avec nos créations, puis avec les retours de nos lecteurs.

  • Parce qu’à cause de l’ego, nous pensons que si le lecteur ne comprend pas, ou n’aime pas, le problème vient de lui et non de nous.
  • Parce qu’après tout, nous avons consacré des mois, voire des années à notre œuvre, sans peut-être jamais nous renseigner sur les codes de l’écriture. Alors qu’est-ce qu’il en sait, lui ? Après des années de travail, nous sommes forcément plus compétents que lui.
  • A-t-il sué pour écrire un livre, lui ?
  • Et peu importe que nous n’ayons lu que trois ou quatre livres dans notre vie, nous avons forcément raison, puisque c’est nous qui avons écrit un livre. Notre histoire plaira forcément à des gens plus intelligents.

Et si le problème n’était pas le « client », mais le « produit » ?

Navré si je brise une illusion ici, mais le mythe de l’écrivain en herbe qui pond un best-seller en six mois dans sa tour d’ivoire, sans acquis théorique, ça n’existe pas. C’est… un mythe. D’une part, parce que l’écriture est un artisanat codifié qui s’apprend puis s’appréhende avec le travail de plus doué que soi, et de l’autre parce que notre premier jet sera forcément mauvais. Quand bien même celui-ci aurait demandé deux ans à être fabriqué, et quand bien même nous nous serions élevés au rang d’auteur professionnel ; personne n’oserait envoyer un premier jet à une maison d’édition ou à des bêta-lecteurs, personne à part… les débutants.

Je ne souhaiterais pas mon premier jet à mon pire ennemi.

Citation en vogue sur les plateformes anglophones. Retrouvable dans la bouche des professionnels

La magie de l’écriture n’opère qu’au jet final de notre œuvre, sous couvert que celui-ci en soi au moins à sa deuxième réécriture, sous couvert que nous ayons lu de vrais livres pendant ce laps de temps, et sous couvert que nous nous soyons un minimum renseigné niveau théorique. Bien sûr, il est possible d’absorber ces concepts naturellement plutôt que de faire l’effort de les apprendre, mais c’est un pari perdant pour la plupart d’entre nous. Nous ne sommes pas les exceptions à la règle, alors pourquoi prendre le risque de gaspiller des années de pratiques hasardeuses lorsqu’on pourrait tout simplement demander « comment écrire de bons dialogues » ou « comment écrire une introduction efficace pour son roman » ? Me concernant, le pari fut perdant. Résultat ? Trois ans de travail à la poubelle. Ma plume avait pris une très mauvaise direction et mes textes étaient devenus imbuvables. Les retours négatifs ? Ignorés, tous. J’ai conservé une copie du livre infâme que j’avais envoyé aux maisons d’édition à l’époque. Celui-ci est mon rappel constant. Un rappel cher.

À une époque, je pensais pouvoir défier les probabilités et écrire un best-seller sans me renseigner, juste en écrivant ce qui me venait. Figurez-vous, j’allais forcément m’améliorer. J’allais forcément finir par atteindre un niveau qui me permettrait de me mesurer aux plus grands écrivains sur le marché, pourtant en place depuis des années. Puis, une fois mon texte accouché, je pensais que mes lecteurs étaient forcément dans l’erreur quand ils ne comprenaient pas. Du mépris ? J’aimerais tant vous dire que non.

Vous désirez réaliser des pas de géants dans votre craft/ passion ? Muselez votre ego. Puis tuez-le, enterrez-le, oubliez-le. Entendez ce que vos lecteurs ont à vous dire, particulièrement si c’est votre premier texte qu’ils commentent. Ils n’auront pas systématiquement raison, mais 99% du temps ? La faille mise en lumière sera réelle. Personnellement, il m’a été dur d’entendre que personne ne comprenait rien à ce que j’écrivais, que mes phrases étaient alambiquées, mon discours déconstruit, ma narration surchargée et mes dialogues potables au mieux. Il m’a été encore plus dur de réaliser, des années plus tard, que mes lecteurs avaient entièrement raison et que j’avais eu tort de les ignorer.

Maintenant que j’y pense, qui de sensé, après 30 ans de canapé, irait courir 3 heures et se sentirait prêt à gagner un Iron Man (une petite course multidisciplinaire de 226km), passant devant tous ceux qui ont fourni un effort logique et adapté sur des années ? Allez savoir pourquoi, mais l’écriture, ou peut-être l’art dans sa globalité, est l’endroit où l’on oublie que pour être bon dans un domaine, il faut commencer par être mauvais, et où l’on est persuadé que l’on peut devenir le meilleur sans devoir effectuer l’entraînement nécessaire.

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